L’exercice du leadership à l’ère du numérique : les directions de l’AQPDE en mode action

Le 16 octobre dernier, lors d’un colloque de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE), le CTREQ a collaboré à l’organisation d’un panel sur le leadership et l’intégration du numérique dans les apprentissages. Cet événement, tenu dans le cadre de la Semaine québécoise des directions d’établissement scolaire, a rassemblé plus d’une centaine de directions d’établissement et a suscité beaucoup d’intérêt.

Plusieurs interrogations nous viennent à l’esprit lorsqu’il est question de l’intégration des technologies numériques dans les apprentissages. Comment amener les élèves à développer leur capacité à utiliser le numérique de façon autonome? Comment développer des comportements éthiques et responsables et prévenir la cyberdépendance? Comment composer avec le rythme de déploiement des technologies? Quel rôle les directions d’établissement doivent-elles assumer? Quelles sont les actions à mener et les étapes à prévoir?

Trois directions d’établissement membres de l’AQPDE ont témoigné de leurs expériences lors du panel. Deux chercheurs associés au CTREQ ont aussi été invités à participer afin d’alimenter les échanges en fonction de ce que dit la recherche. Stéphane Allaire, professeur au Département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), est intervenu sur les questions concernant le numérique. Jean Bernatchez, professeur au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), a quant à lui contribué aux discussions liées au leadership des directions d’établissement dans l’intégration du numérique.

« Ce panel a permis de mettre en évidence des réalisations dans les écoles, mais aussi de faire part des défis auxquels les directions sont confrontées, dit Linda St-Pierre, présidente-directrice générale du CTREQ. Certains défis sont communs à l’ensemble des établissements, d’autres sont spécifiques aux ordres d’enseignement. »

À l’école primaire L’Arpège, de la Commission scolaire des Patriotes, on a d’abord réfléchi aux compétences du 21e siècle, explique Martine Picard, directrice de l’établissement, et au sens que l’on doit donner à l’intégration du numérique dans les apprentissages. Directeur du Centre d’éducation des adultes L’Escale, de la Commission scolaire des Appalaches, Marc Dunn soutient les enseignants dans l’implantation de leurs projets. Il se voit comme un leader dans l’accompagnement de son personnel. Sabine Prévost, directrice de l’école secondaire Louis-Jacques Casault, de la Commission scolaire de la Côte-du-Sud, soutient aussi les enseignants dans la mise en œuvre de projets, mais elle met surtout en relief l’importance des défis de l’intégration du numérique au secondaire.

L’intégration du numérique s’accompagne en effet de défis supplémentaires au secondaire, dit Stéphane Allaire, compte tenu de l’organisation scolaire. Des actions y sont tout de même possibles, par exemple la résolution de problèmes complexes en collaboration et l’utilisation d’outils asynchrones, de forums et de blogues.

Les trois stades de développement

Stéphane Allaire définit l’intégration du numérique selon trois stades de développement. Le premier stade consiste à utiliser les technologies de façon ludique. Au deuxième stade, on utilise les technologies numériques comme outils de motivation. Il s’agirait du niveau de développement le plus généralement atteint dans les écoles présentement. Au troisième stade, les technologies sont vues comme des outils d’apprentissage et c’est ce stade qui devrait être visé. « C’est le stade fondamental, dit Stéphane Allaire, ça doit devenir l’ancrage de l’utilisation du numérique au sein d’une école. »

Savoir doser le rythme d’avancement

Spécialiste des questions de leadership et de gestion du changement, Jean Bernatchez fait valoir l’importance du rôle des directions d’établissement, un rôle légitime et affirmé, dit-il. Les directions devraient notamment miser sur la collaboration pour faciliter l’intégration du numérique. Toutefois, c’est selon lui dans le rythme d’implantation des changements que se situe un des principaux défis. « Quand on va trop vite, il y a risque de réactions négatives. Trop lentement, on se fait aspirer par le statu quo », dit-il. Les directions doivent donc trouver le bon rythme pour maintenir l’équilibre tout en assurant l’avancement des projets.

Jean Bernatchez propose l’implantation de stratégies « souples » qui conjuguent le travail prescriptif avec le vécu au quotidien. Il faut permettre l’émergence des idées et soutenir l’autonomie, tout en évitant la surcharge. Tout changement repose sur les étapes d’émergence, d’adoption, de mise en œuvre et d’évaluation. Et, c’est la mise en œuvre qui est la plus exigeante, dit-il, c’est l’étape du changement, une étape souvent associée à un degré élevé de complexité.

Passer à l’action

Stéphane Allaire identifie cinq conditions à mettre en place pour assurer une intégration harmonieuse du numérique : identifier les besoins; fournir les ressources nécessaires; tenir compte des connaissances issues de la recherche; miser sur le leadership de la direction; et enfin, impliquer les membres de l’équipe-école dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets.

Le chercheur propose enfin quatre orientations pour l’intégration du numérique dans les apprentissages :

  • Cibler des éléments d’apprentissage qui en valent la peine ;
  • Miser sur une approche itérative (apprendre, bonifier, améliorer);
  • Garder des traces afin de suivre les progressions;
  • Cadrer les apprentissages et donner un sens à l’intégration du numérique, par exemple en s’appuyant sur les besoins de compétences du 21e siècle.

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